Discours de Marcus Staiger, activiste/publiciste, Berlin, lors de la conférence européenne du 2 novembre 2024

Chers amis, chères amies

Merci beaucoup de me permettre de prendre la parole lors de cette réunion, surtout que je ne fais pas parti d’une organisation et que je suis pour ainsi dire un radical libre.

A vrai dire, je n’étais pas très à l’aise non plus avec le mouvement pour la paix, trop vieux et un peu poussiéreux, mais après l’invasion russe en Ukraine en 2022 j’ai quand même constaté que la question de la guerre était une contradiction antagoniste et qu’il était important de prendre position sur ce point. J’ai été d’autant plus étonné de devoir me rendre compte que de nombreuses personnes de mon entourage politique défendaient tout d’un coup des positions de l’OTAN.

Je me suis alors rallié à l’alliance « Chauffage, pain et paix », qui était aussi une des premières à lier la question sociale et la question de la guerre, ce que de nombreux groupes ne font pas jusqu’à ce jour.

Soit ils s’occupent de la question de la paix et laissent de côté la question sociale ou alors ils s’occupent exclusivement de la question sociale, comme les syndicats, et ne prennent pas en considération la question de la guerre. Ou le parti « Die Linke » (« La Gauche »,) qui n’est toujours pas capable aujourd’hui à prendre une position claire sur la guerre en Ukraine ou à Gaza.

Mais les choses sont liées, car à l’ombre de la guerre et de l’économie de guerre, on mène une guerre contre la population et c’est pourquoi une conférence comme la nôtre, avec ce titre, est si importante et donne du courage.

Mais je voudrais ici parler encore d’autre chose. C’est la manière dont la militarisation ne détruit pas seulement nos bases matérielles, mais comment le bellicisme et la disposition toujours plus grande de s’isoler, de construire des murs et de résoudre tous les conflits par la violence défont notre société.

Je voudrais parler de la manière dont la guerre et la rhétorique guerrière enveniment nos esprits et détruisent notre cohésion sociale et comment l’enthousiasme mondial pour la guerre a aussi des conséquences à l’intérieur.

Nous le voyons tous les jours. Des sans-abri, le trafic de drogue, la criminalité des jeunes, des actes de violence – les titres des journaux en sont pleins.

Les conservateurs, les partis de droite mais aussi désormais les libéraux réclament plus de police et des peines plus sévères. Ils se plaignent de l’effondrement des valeurs (alors qu’il faut se demander de quelles valeurs ils parlent) et ils se lamentent du déclin moral. Mais nous savons tous – cela n’a pas grand-chose avoir avec la morale – cette destruction de la société a une base matérielle et qu’il s’agit là de la crise d’un système économique, de la crise du capitalisme qui ne peut plus se maintenir au pouvoir autrement que par la violence la plus brutale.

Et nous pouvons observer cela dans le monde comme nous pouvons l’observer à l’intérieur du pays.

Vous savez, je travaille dans un centre pour jeunes dans le quartier de Kreuzberg à Berlin et nous accueillons beaucoup d’enfants dont les parents ont dû fuir la Palestine ou le Liban. Nous travaillons dans un quartier dit sensible et il y a toujours des tensions entre les enfants et les jeunes.

Mais comment je vais expliquer à ces enfants et jeunes qu’ils doivent résoudre leurs conflits de manière pacifique si, au même moment, ils me montrent une vidéo sur TikTok où l’on voit comment des membres de leur famille, des amis ou des connaissances sont brûlés vifs.

Comment je peux leur expliquer qu’ils font partie de cette société, si l’incitation à la haine contre les migrants devient toujours plus forte.

Comment je peux leur parler des valeurs de la société occidentale si leur liberté de manifester est restreinte et qu’on leur signifie encore et encore qu’ils sont des personnes de classe inférieure.

Comment je peux leur raconter quoi que ce soit des droits de l’homme quand ils voient très précisément que ces droits de l’homme ne valent pas pour tous de la même manière et que ces droits de l’homme sont toujours distribués de manière très différente par l’Occident.

Comment justifier une telle hypocrisie ? Comment expliquer un tel double moral ?

Comment enseigner à ces enfants l’ouverture et la tolérance quand, aux frontières de l’Europe, on pratique une politique meurtrière de rejet et que tous les jours des réfugiés se noient, sont battus et refoulés.

C’est donc presque logique que ces tensions se déchargent en troubles spontanés, en affrontements violents et émeutes nihilistes.

C’est quand même hypocrite de verser des larmes de crocodile sur les émeutes du Nouvel An et quand on ne nomme pas leur origine.

Non, ces tensions ne disparaîtront pas. Ils ne se laissent pas évacuer par des belles paroles. La société bourgeoise est en faillite et elle ne pourra plus résoudre ces tensions. L’ordre bourgeois est fini.

Nous devons en revanche travailler nous-mêmes, dans ce processus, pour que ces refus sociaux n’aboutissent pas à une guerre de chacun contre tous et que nous ne nous laissons pas entraîner à nous combattre mutuellement.

C’est pourquoi nous devons utiliser ces conditions et les tourner contre ceux qui nous ont mis dans cette situation.

Et quand ils nous appellent aux armes, nous devons retourner les armes contre ceux qui veulent nous envoyer à la guerre. Bien entendu, seulement sous forme d’action artistique et performance révolutionnaire, car dans l’art, tout est permis.

Chers amies et chers amis, il y a plus de 100 ans, Rosa Luxembourg a prédit que nous étions confrontés à un choix. Socialisme ou barbarie, et comme nous le savons, la barbarie a gagné à l’époque.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à la même question. Socialisme ou barbarie ? Et je ferai tout pour que cette fois-ci, la barbarie perde.

C’est pour cela que nous devons combattre, ensemble, de manière organisée et internationaliste.

Vive la solidarité internationale !

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