Je voudrais tout d’abord dire à ceux d’entre vous qui attendaient la cheffe de notre parti, Marielle Leerand, qu’elle vous adresse ses salutations de solidarité et regrette de ne pouvoir être parmi vous aujourd’hui. Elle et moi nous excusons de ne pas avoir pu trouver une meilleure remplaçante.
Mais je voudrais vous remercier de m’avoir donné l’occasion de parler des conditions de vie en Norvège.
La Norvège est un pays de contradictions.
Bien que tout le monde sache que la Norvège possède une nature magnifique, on constate une augmentation marquée des maladies attribuées à la dégradation environnementale à long terme. Les sols et les eaux utilisés pour l’agriculture et la pêche ont été pollués à un tel rythme que l’on peut désormais mesurer les maladies graves chez ceux qui consomment des aliments autrefois sains comme le saumon et la truite sauvages, sans parler du saumon d’élevage.
Des lycéens de toute la Norvège ont récemment protesté contre la fermeture des écoles. Leurs protestations sont restées lettre morte au sein de la coalition gouvernementale, composée des sociaux-démocrates et du Parti du centre, anciennement le Parti paysan. Le Parti paysan lui-même est désormais prêt à dépeupler les campagnes norvégiennes.
Les dépenses de santé sont difficiles à évaluer en raison de la récente pandémie, mais elles sont passées d’un total pré-pandémique de 10,5 % du PIB en 2016 à 8 % en 2022, l’année la plus récente pour laquelle de tels chiffres sont disponibles. Cela représente une baisse de plus de 20 %.
Parallèlement, des organisations comme le Fonds monétaire international (FMI) ont exhorté la Norvège à adopter des réformes telles que la réduction des congés maladie et des prestations d’invalidité. Les ajustements budgétaires actuels du gouvernement montrent qu’il prend ces suggestions comme des ordres.
Un brillant avenir est toutefois garanti en Norvège si vous travaillez dans les industries dites de « défense ». Pour 2025, le gouvernement propose d’augmenter le budget de la défense de près de 20 milliards de couronnes, pour le porter à 110 milliards. Cela représente une augmentation de plus de 20 %.
Le 8 octobre, le gouvernement norvégien a proposé d’augmenter le financement global destiné à l’Ukraine de 75 à 135 milliards de couronnes. Cela représente une augmentation de 80 % et plus de 12 milliards de dollars. Il convient de noter qu’il s’agit d’un minimum et non d’un plafond de financement.
Il y a une semaine, le 24 octobre, la presse financière norvégienne annonçait que le fabricant d’armes Kongsberg Group avait enregistré des résultats record. Le journal poursuivait en expliquant que « Kongsberg Group est le grand gagnant de l’année en bourse, avec une hausse de plus de 140 % ». « La guerre en Ukraine a augmenté la demande pour les produits du groupe Kongsberg, et le carnet de commandes de la société atteint un record de 96,9 milliards de couronnes norvégiennes », était-il ajouté.
La transformation de la Norvège en nation de guerre se reflète également dans la guerre qu’elle mène contre son propre environnement. Ce même gouvernement a récemment accordé une dérogation au fabricant d’explosifs Chemring Nobel pour augmenter ses émissions d’azote de 400 %. Le titre de la chaîne publique norvégienne NRK l’a bien résumé : « La défense prime sur l’environnement ».
La réalité met clairement en évidence ces contradictions :
- Il ne suffit pas d’avoir l’un des littoral les plus longs du monde, la Norvège doit s’engager dans le désastre écologique qu’est la pisciculture.
- Il ne suffit pas de forer pour trouver du pétrole, la Norvège doit s’assurer qu’une grande partie du pétrole soit utilisée pour alimenter la machine de guerre.
- Il ne suffit pas que la Norvège dispose de suffisamment d’argent pour assurer une vie digne à ses citoyens, elle doit également veiller à ce qu’un maximum d’argent soit investi dans des produits qui, s’ils sont utilisés correctement, mettront fin à la vie sur Terre.
- Il ne suffit pas que près de la moitié de la main d’œuvre norvégienne soit syndiquée, le gouvernement suit les recommandations du FMI pour affaiblir le pouvoir d’organisation de ses propres citoyens.
- Il ne suffit pas que la Norvège ait une réputation internationale de nation pacifique, elle doit utiliser cette réputation pour renforcer l’Otan et donner un visage souriant à la collaboration avec l’hégémon mondial, les États-Unis.
Si d’autres pays européens ont sans doute une trajectoire similaire, la Norvège a une influence considérable, non pas en raison de la taille de sa population, mais de la taille de son fonds pétrolier. Il existe une merveilleuse expression anglaise : « money talks, bullshit walks ». Je n’ai pas besoin de vous préciser qu’il s’agit d’une expression en anglais-américain, pas en anglais du roi !
En outre, le fonds pétrolier détient des investissements importants dans des entreprises israéliennes, ce qui rend la Norvège complice de tout ce qu’Israël fait. Et la situation n’est pas très différente pour l’Ukraine. Le récent rapport de l’institut Oakland, basé en Californie, intitulé « War and Theft : The Takeover of Ukraine’s Agricultural Land », a montré que le fonds pétrolier norvégien possède également une quantité non négligeable de terres en Ukraine. À cet égard également, la guerre est une bénédiction pour la Norvège.
La Norvège était peut-être autrefois une terre de paix, mais aujourd’hui elle ne se donne même pas la peine de perpétuer cette mascarade. Le 7 octobre, qui marquait l’anniversaire de l’attaque du Hamas contre Israël et le 76e anniversaire du nettoyage ethnique de la Palestine, le roi a choisi de revêtir une kippa et de rendre visite à la synagogue ultra-sioniste d’Oslo, la Mosaiske Trosamfunn. Le roi n’a pas encore dit un mot sur le génocide en Palestine.
La Norvège était peut-être autrefois un pays de paix, mais aujourd’hui, il n’y a pas un seul parti politique antisioniste, anti-impérialiste et anti-Otan. C’est là, je crois, le développement le plus important en Norvège depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est important parce que les deux partis qui ont récemment changé de programme pour soutenir l’Otan sont désormais également prosionistes et pro-impérialistes, par définition.
Comme chacun le sait, l’Otan ne propose pas de menu à la carte. La prochaine cible de l’impérialisme américain avait déjà été annoncée par le président de l’époque, Barack Obama, lorsqu’il avait lancé le mouvement de « pivot vers l’Asie », une menace à peine voilée contre la Chine. La Chine n’avait pas de véritable armée à l’époque, mais représentait néanmoins une menace majeure pour l’hégémonie économique américaine.
Dans le prolongement du « pivot vers l’Asie » d’Obama, l’Otan s’est impliquée dans ce futur conflit dès 2016. Selon le site Internet de l’Otan, elle « s’est de plus en plus engagée politiquement avec ses partenaires de la région indo-pacifique – l’Australie, le Japon, la République de Corée et la Nouvelle-Zélande – au niveau des ministres des Affaires étrangères, pour discuter du changement dans l’équilibre mondial des pouvoirs et de la montée en puissance de la Chine. »
Plus important encore, si la Chine peut se défendre, d’autres peuples, plus vulnérables, sont également la cible des agressions de l’Otan (ou sont considérés par l’Otan comme des « malfaiteurs » qu’il faut vaincre). L’un de ces groupes est celui des Palestiniens.
Bien que l’Otan n’ait pas de politique directe contre les Palestiniens, elle s’est associée à Israël dans le cadre de son « Dialogue méditerranéen ». Selon l’Otan, ce « dialogue » est un « forum de partenariat qui vise à contribuer à la sécurité et à la stabilité dans la région méditerranéenne au sens large ». Israël est un membre actif de ce « partenariat » avec d’autres États vassaux des ÉtatsUnis comme l’Égypte et la Jordanie.
Le monde d’aujourd’hui n’a pas besoin qu’on lui rappelle comment Israël définit la « sécurité ». Cela signifie que, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils en soient conscients ou non, les deux anciens partis norvégiens anti-Otan soutiennent désormais le maintien de la « sécurité » d’Israël. Ainsi, même s’ils prétendent soutenir la Palestine, le fait de soutenir l’OTAN aide Israël à poursuivre son génocide contre les Palestiniens.
Je suis vice-président de la fondation FOR – fred og rettferdighet (FOR est l’acronyme de Paix et Justice). Nous sommes en passe de devenir un parti politique, né de la frustration de voir la plupart, sinon la totalité, des richesses norvégiennes détournées vers des instruments de guerre. Nous le faisons avec le soutien d’une population apparemment libre, mais en réalité mentalement emprisonnée par un système éducatif qui limite la pensée critique et par une presse d’entreprise qui présente une version simple mais inversée de la réalité.
Face à cette situation, nous, au FOR, avons été actifs au cours des deux dernières années, en faisant tout ce que nous pouvions sur autant de fronts que possible. Notre objectif principal à l’heure actuelle est de recueillir les signatures nécessaires qui nous permettront d’enregistrer le parti pour les prochaines élections nationales à l’automne 2025.
Nous prenons également au sérieux notre mission d’informer le public de la trahison de ses soi disant dirigeants démocratiquement élus.
En plus d’avoir organisé une réunion à Oslo avec Gegen den Krieg – Gegen den Sozialen Krieg en juin de cette année où certains d’entre vous étaient présents, nos autres activités comprennent des conférences 2022, 2023 et 2024 sur Julian Assange et la liberté d’expression, avec la participation entre autres du politicien britannique Jeremy Corbyn, du journaliste lauréat du prix Pulitzer Chris Hedges et de l’actrice Liv Ullmann ; une conférence sur « Les médias à l’ombre de la guerre » avec des participants qui comprenaient Le Dr Mads Gilbert de Gaza, le professeur Jeffrey Sachs, le professeur Haim Bresheeth de la SOAS, le Dr Ghada Karmi, le Dr Deepa Govindarayan, l’ancien ambassadeur britannique Craig Murray, le colonel américain Douglas MacGregor et notre ami le professeur Glenn Diesen ; un séminaire en deux parties avec des discussions en ligne en direct avec des exilés et des prisonniers politiques de Kiev-Ukraine ; et plus récemment, nous avons organisé une conférence intitulée « La paix est un mot de quatre lettres » avec les anciens membres irlandais Clare Daly et Mick Wallace du Parlement européen, ainsi que l’expert mondial en armement et auteur Andrew Feinstein, à Oslo et à Trondheim.
Le mois prochain, nous co-organisons une conférence sur « Comment arrêter la militarisation actuelle », avec le groupe pacifiste Lay Down Your Arms et le véritable lauréat du prix Nobel de la Paix cette année, The David Swanson, directeur de « World Beyond Arms ». Enfin en janvier prochain, nous organiserons avec l’Institute for the Public Interest (IPI) une conférence internationale à Oslo, « Stop the Wars ».
Enfin, je voudrais conclure en vous assurant que nous accordons une grande importance à la collaboration avec nos homologues européens, comme vous. Nous sommes convaincus qu’un véritable effort de coopération entre les peuples et les cultures d’Europe peut être un antidote à la maladie mentale sociopathe qui imprègne le paysage politique européen actuel.
Merci.